Suite de l'interview....
Quelles sont les qualités athlétiques
nécessaires exigées au haut niveau, pour devenir footballeur
professionnel ?
A l’extrême je dirais aucune ! Je
m’explique : Si tu es monstrueux techniquement et tactiquement, tu peux
devenir un joueur de classe mondiale. Pirlo, Xavi sont-ils des monstres
physiques ? Endurant moyenne, Vitesse de course faible, Puissance/Impact très
faible et pourtant quels joueurs !! Cela reste des exceptions mais cela
montre que c’est possible sans qualités athlétiques.
En revanche, ils démontrent d’autres
qualités de vitesse hors du commun : vitesse du ballon, vitesse de prise
d’information.
Sinon on peut être joueur professionnel sur
une qualité forte : Vitesse, Puissance ou endurance.
Par contre, plus on monte de niveau, plus on
doit être capable de répéter sa qualité forte.
Quelles sont les particularités dans l’approche
de la préparation physique avec les jeunes ?
C’est surtout le fait que l’on cherche à développer
des qualités sur plusieurs années. Notre priorité numéro 1 est la progression
de l’individu dans parcours de formation. Ici, le résultat du week-end n’est
qu’un élément de processus de formation. L’important étant qu’il exploite au
maximum son potentiel, qu’il grandisse en tant que personne.
Pour cela, on essaie de déceler très vite ses
forces, ses faiblesses tant sur le plan physique que technique et mental. Et on
place dans son plan de formation, des contenus additionnels ou spécifiques pour
qu’il puisse progresser au mieux.
"...on place dans son plan de formation des contenus additionnels ou spécifiques pour qu'il puisse progresser au mieux."
Comment t’organises-tu pour le suivi de la
charge d’entraînement ? Quelle méthode utilises-tu ?
J’ai essayé plusieurs outils pour essayer
de quantifier l’entrainement ces dernières années sans avoir avoir une réelle
continuité ce qui est très gênant.
J’ai d’abord essayé de créer un outil perso
(une macro Excel sur ordinateur que le joueur devait remplir) mais la mise en place
était difficile. Ensuite j’ai essayé l’Application Qtest : Les joueurs
remplissent et saisissent leur RPE (Rate Perceived Exertion) sur la séance mais je trouve le
recueil des données assez faible et contraignant.
Cette année, j’ai eu accès à la plateforme
TrainingLoadPro pendant 6 mois avant que le club arrête la collaboration avec
cette société par rapport aux professionnels ou j’ai découvert un très bon
outil qui permet de bien suivre la charge d’entrainement de l’équipe,
individuelle et surveille plusieurs marqueurs (sommeil, humeur, sensations etc.…)
qui est très enrichissant et complémentaire.
Maintenant j’utilise MyCoachRPE qui est assez
similaire mais un cran en dessous dans l’analyse et l’aide à la décision.
Mais le plus important n’est pas l’outil seule mais la
façon d’agencer les semaines de travail, leur programmation et leur régulation.
Nous croyons que le match ne doit pas être la « séance » la plus
difficile de la semaine. En programmant des séances plus dures que les matchs
nous pensons que le joueur se retrouvera dans les capacités physiques de
l’appréhender sans souci et lui permettra de plus se concentrer sur les aspects
technico-tactiques. Nous organisons donc notre semaine ainsi : (voir ci-dessous).
"Nous croyons que le match ne doit pas être la séance la plus difficile de la semaine"
Que penses-tu de la méthode intégrée ?
J’en pense le plus grand bien. On forme des
footballeurs pas des marathoniens ni même des sprinters. Je pense que si on
peut intégrer une approche technique ou tactique en rapport avec l’objectif de
travail alors il faut le faire. En revanche je ne suis pas pour le « tout
intégré », surtout chez les jeunes. Nous avons fait le pari du tout
intégré un temps et nous en avons vu les limites. Le moindre effort sans ballon
devient très difficile et les joueurs perdent le gout de l’effort.
Le travail dissocié apporte des valeurs
mentales qu’il ne faut pas sous-estimer.
Je sais que vous utilisez l’approche par
préférence motrice, peux-tu brièvement nous en parler ?
C’est une approche qui permet de repérer la
motricité de l’athlète à travers l’observation et quelques testings
comportementaux. C’est une méthode développé par Cyrille Gindre (
www.volodalen.com) que j’ai connu il y a 10
ans à Troyes où il observait et se questionnait encore sur ces comportements.
On y trouve également des points communs avec la méthode Action-Type élaboré
par Bertrand Theraulaz et Ralph Hippolyte.
Pour faire simple, il existe 2 grandes
familles de motricité : Les Aériens (N) et les Terriens (S)
Les Terriens ont une motricité qui
s’enclenche par le bassin, avec une attaque de la course par le talon, des
chaines musculaires adductrices plus fortes et un référentiel visuel terrestre.
Leur mode d’expression est plus dans la poussée concentrique, dans les crochets
intérieurs, les frappes intérieures du pied…Exemples de Terriens : Ben Arfa,
Nasri, Ibrahimovic, Matuidi…
Les Aériens ont, eux, une motricité qui
s’enclenche par les épaules avec une attaque de la course sur la plante de
pied, des chaines musculaires abductrices plus fortes et référentiel visuel aérien
(ciel).
Leur mode d’expression est plus dans le
rebond (pliométrie), les crochets extérieurs, les frappes coup de pied. Exemple d’Aériens : Cristiano Ronaldo,
Messi, Bale, Mandanda…
Il est aussi remarquable de voir que chaque
motricité est reliée à un type de personnalité (MBTI). La façon dont je bouge
influence la façon dont je pense et inversement. On référence environ 192 types de profil
selon plusieurs critères moteurs et psychologiques, sans parler de tous les
apprentissages effectués dans l’histoire de l’athlète qui peut apporter une
autre singularité.
L’idée est juste de remarquer les
préférences motrices des personnes, de cerner un peu leur personnalité afin de
proposer des exercices adéquats aux athlètes et en adoptant un dialogue qui lui
parle. Par exemple, il ne faut pas s’étonner de
voir des tendinites arriver chez des Terriens après des séances de pliométrie
haute !
J’ai essayé de faire court mais c’est dur car
je pourrais en parler des heures tellement c’est compliqué mais
fascinant !
Si tu devais donner un conseil à des jeunes qui
souhaitent s’orienter dans cette voie ?
De beaucoup s’investir, d’aimer le foot,
d’aimer travailler en équipe, de continuer à enrichir ses connaissances, de
rester humble (car on n’est pas un expert du jour au lendemain) et pour finir
de toujours pensez que l’on entraîne des êtres vivants en perpétuel changement, alors ouvrez les yeux sur le terrain et pas seulement sur les livres !
Un grand merci à toi Sébastien, pour ta disponibilité, ton partage et la richesse des échanges ! Bonne fin de saison !!