12 juil. 2023

L'INDIVIDUALISATION - UN ENJEU MAJEUR EN PRÉPARATION PHYSIQUE

L'individualisation dans l'entraînement, et notamment en préparation physique est un sujet majeur qui préoccupe grand nombre d'entraîneurs et préparateurs physique. L'individu est par définition singulier, unique. Il a ses propres schémas internes, ses propres mode de fonctionnement, son propre métabolisme, sa propre motricité. Evidemment, certaines personnes ont des schémas très proches, voire parfois similaires. Mais il n'en reste pas moins que pour développer le potentiel d'un athlète, nous devons nous intéresser à lui en tant que tel. Tout en s'occupant du collectif, notamment dans un sport co.
Il s'agit de proposer donc des charges d'entraînement, séances et exercices le plus adapté possible à chaque athlète, à sa forme du moment, afin de le faire progresser dans les facteurs de la performance. On peut parler de travail individualisé sur le plan technique, tactique, mental et bien sûr physique. En sport collectif, on se doit d'harmoniser le collectif (sorte de tronc commun d'entraînement : séances collectives, stratégie CPA, orientations tactiques, bloc équipe, etc...) autour duquel il faut individualiser (apporter le stimulus le plus précis au besoin du joueur) car on sait que les demandes des joueurs selon les postes sont bien différentes. C'est toute la complexité dans la méthodologie d'entraînement des sports collectifs.

Que peut-on individualiser ?
- la charge d'entraînement (volume)
- le contenu d'entraînement (technique, tactique, type d'effort, typologie des courses, etc...)
- le type d'exercices selon les préférences motrices
- la prévention des blessures (selon les antécédents)
- l'alimentation, la récupération, etc...

L'individualisation peut s'envisager par rapport :
- au poste (GB, DC, ATT, Milieu...)
- au profil (profil explosif, endurant, etc...) - application du Profil force-vitesse-puissance cher à JB MORIN
- en fonction des forces/faiblesses individuelles (ratio fléchisseur/extenseur, etc...)
- à partir des tests (VMA, souplesse, force, etc...)
- à partir des données GPS (% VMA du joueur, % de sa vitesse max, etc...)
- par rapport aux préférences motrices du joueur (aérien ou terrien, supinateur ou pronateur, œil moteur,  jambe tige/jambe liane, ...)

L'individualisation  du GB (ici par rapport au poste) est depuis longtemps devenu une évidence tant le poste est spécifique ! Toutefois, si on analyse finement les postes au football, il semble qu'il y ait des spécificités réelles entre les différents postes. On voit de plus en plus de centre de formation, mettre en place des spécifiques au poste inter-génération, mettre en place des ateliers spécifiques au poste lors des entraînements des différentes équipes du club. L'approche est plutôt technico-tactique dans ces spécifiques, et permet de développer des compétences précises liées à l'exigence du poste.

Les méthodes utilisées :
- des séances spécifiques aux postes
- les préférences motrices
- l'étude posturale
- les tests physiques et athlétiques (ex => déterminer le profil force/vitesse)
- la détermination du métabolisme

Je me souviens une intervention donnée lorsque j'étais en STAPS à Dijon, par Nicolas DYON (ancien étudiant de Dijon également) qui évoquait l'approche d'individualiser les intermittents en fonction du profil des joueurs (60/40 ou 70/30, c'est à dire 60% du temps de l'intermittent sur son point fort et 40% du temps sur le registre moins développé). Exemple pour un profil endurant : 60% en 15-15 course continue et 40% en 10-20/5-25 avec course brisée. Pour le profil explosif, on pourra proposer l'inverse.

Certaines périodes sont plus propices à l'individualisation, notamment le début de saison et la période de préparation. Il s'agit de vite créer un collectif, un groupe, des automatismes, mais bien sûr de prendre en compte l'état de forme de chaque joueur et de développer leur qualités selon leur niveau de départ et leur profil. On peut prendre aussi l'exemple du retour de blessure, où l'individualisation prend tout son sens, et devient même incontournable pour être efficace.


L'individualisation peut s'appréhender également à l'approche du match, pour donner confiance, s'entraîner sur les points forts, favoriser des schémas intégrés par le joueur. Exemple en fin d'échauffement, où le joueur termine son échauffement dans sa zone d'évolution de jeu, où il répète des gestes et enchaînement qu'il va répéter pendant le match.



Dans un article de Vestiaires paru en Juillet 2016 j'avais évoqué le sujet, en abordant la différence des besoins entre les postes.



Vigilance : Au niveau de l'aménagement de l'espace sur les jeux réduits (notamment sans profondeur), les DC ne retrouvent pas les mêmes espaces qu'en match (notamment si le projet de jeu nécessite un bloc haut ou médian) et donc ils ne retrouvent pas les mêmes efforts qu'en match (sprint de 20/30 m vers son but par exemple).
=> Alors on peut envisager un jeux réduit avec un peu plus de profondeur quand même, peut-être une ligne de déséquilibre pour zone de joueur lancé, etc... le cas échéant, faire un complément athlétique avec les DC sur 3 à 4 sprints de 20-25 m.

Sébastien SERGENT (préparateur physique du Stade Lavallois) précise : "L'individualisation, c'est mon objectif également mais c'est le plus difficile à réaliser à mon sens surtout si tu es seul. J'essaie de réponse au mieux aux besoins de chaque joueur en terme de prévention, de complément athlétique et dans la gestion du potentiel en fonction de l'âge par exemple. Pour cela il faut apprendre à bien connaître son groupe et instaurer un climat de confiance avec eux. Cela demande du temps !"


9 sept. 2022

EFFET DE L'AGE RELATIF : AGE CIVIL VERSUS AGE PHYSIOLOGIQUE (1)

L'effet de l'âge relatif désigne donc un biais dans les niveaux supérieurs des jeunes sportifs où la participation est la plus élevée parmi ceux qui sont nés plus tôt ( par exemple, de Janvier à Mars). 

Si on observe la population d'une année d'âge, prenons les 2007, il apparaît qu'il y a une répartition équilibrée entre les mois de naissance. Mais dès qu'on s'attarde à une population sportive de bon niveau régional voire de niveau national jeune, alors il y a une nette prédominance des joueurs nés au 1er semestre. C'est un fait !


Barnsley et all. en 1985 publie une première étude sur l'effet de l'âge relatif en hockey sur glace au Canada. Le constat est déjà édifiant. Plus le niveau de compétition augmente chez les jeunes, plus il y a une nette sur-représentation des joueurs nés au 1er semestre. 

Le graphique ci-contre nous montre que plus le niveau augmente plus il y a un pourcentage élevé de joueurs issu du 1er semestre voire du 1er trimestre.




Lors de la CID 2021 (Coupe Inter-District) de la LAURAFOOT (région Auvergne-Rhône-Alpes), sur 192 joueurs sélectionnés nés en 2007, la répartition était la suivante : 72,5% de joueurs étaient issus du 1er semestre et 44% du 1er trimestre. Alors que dans la population née en 2007, il y a une répartition équilibrée.


"SE PREMUNIR D'UN REGARD HATIF SUR UN JEUNE JOUEUR"


Cette observation n'est pas nouvelle, elle a plus de 40 ans, mais il est nécessaire de se le rappeler en regardant les chiffres actuels. Cela doit nous aider à nous prémunir d'un regard hâtif sur un joueur. 


Les compétitions de jeunes étant généralement organisées sur la base de l'année de naissance, les athlètes nés en janvier, février ou mars sont avantagés par rapport à ceux nés en octobre, novembre ou décembre de la même année. Ces observations sont valables dans de nombreux sports et dans d'autres nations. Ce n'est pas une spécificité française. 

Comme le montre le graphique ci-dessous des mois de naissance des joueurs du championnat d'Europe U17 et U19 en 2016.

Cela questionne tout de même notre système de compétition chez les jeunes, et notamment l'importance accordée à la performance immédiate au détriment parfois du potentiel à venir. On veut généralement des joueurs prêts tout de suite, en capacité de répondre à la haute performance de leur catégorie (ce qui implique souvent des critères de vitesse, force, endurance entre autres). Cela questionne plus généralement sur la question de la maturité tardive d'un joueur comparativement à un joueur précoce, au-delà des considérations du mois de naissance. Même si le phénomène s'estompe vers les U20, comme le précise Patrick PION (DTN adjoint) dans le magazine SO FOOT : "L'objectif, c'est de les faire rentrer dans les structures, même quand on n'est pas sûr, pour qu'ensuite, quand les valeurs se nivellent vers 16-17 ans, on ne les laisse pas sur le bord de la route. Ensuite en U20, les pourcentages commencent à s'équilibrer. (...) Il ne faut pas se tromper entre 13 et 15 ans, mais on pense que les meilleurs joueurs du second semestre, on arrive à les récupérer".


Cela concerne donc spécifiquement les compétitions de jeunes. La dernière liste de l'équipe de France U17 nous le montre encore, avec une nette surreprésentation des joueurs nés au 1er semestre. Sur 28 joueurs sélectionnés, 22 sont issus du 1er semestre. 

Il s'agit pour nous, dans nos programmes d'identification des potentiels, de détection de joueurs, de ne pas passer à côté d'un jeune (qu'il soit du 2ème semestre, et/ou à maturité tardive). Si les pourcentages s'équilibrent en se rapprochant des U20 ou du haut niveau professionnel, cela sous-entend qu'une part importante des joueurs issue du 1er semestre ne réussissent pas à percer. Ne faut-il donc pas revoir parfois nos critères, notamment dans l'identification de potentiel plutôt que de performance immédiate ? C'est en toute humilité que je pose ces questions, car seul celui qui a du faire des choix de joueurs sait combien il est difficile, voire impossible, de prédire la suite du parcours, même sur un fort potentiel avéré.

"PROPOSER PARFOIS DES SEANCES D'ENTRAINEMENT EN REGROUPANT DES JOUEURS A MATURITE SIMILAIRE, INDEPENDAMMENT DE LEUR AGE CIVIL"

Peut-être pouvons-nous questionner parfois notre organisation d'entraînement ou d'opposition amicale au sein de nos clubs afin de préserver les quelques forts potentiels du second semestre? Est-il envisageable de proposer parfois des séances d'entraînement en regroupant des joueurs à maturité similaire ? en décloisonnant les catégories ? Quel club français organisera le premier tournoi national en prenant en compte l'âge physiologique et non l'âge civil ?

Une étude anglaise montre que les garçons nés dans le dernier trimestre étaient 5,6 fois moins susceptibles de rejoindre une équipe de division supérieure que ceux étant nés au premier trimestre. 


Ci-dessous les articles cités : 

https://www.sofoot.com/peut-on-naitre-apres-avril-et-devenir-footballeur-pro-441090.html

https://www.fff.fr/article/7903-quatre-jours-de-stage-a-clairefontaine.html

15 août 2022

ESVP (Echauffement Structuré à Visée Préventive)

En cette période de reprise pour les clubs amateurs, je partage avec vous un outil intéressant proposé par la DTN. Suite à une réflexion sur les blessures en milieu amateur, et après des études et travaux de recherche, la DTN a mis en place un échauffement préventif, adapté à tous les publics à partir de U14 pour le milieu amateur. 

Une version "améliorée et plus adaptée" (plus compacte en temps et avec ballon) du FIFA 11+. 

Cet échauffement émane d'un travail collaboratif entre médecins, kiné, et préparateurs physiques visant à prévenir des traumatismes articulaires ou musculaires. Ce n'est pas un talisman non plus ! Mais en 15 à 20 minutes, il participe à la prévention des blessures tout en préparant l'organisme à l'effort. Vous pouvez très bien faire tout ou partie de l'échauffement, en apportant de la complexité et de la variété dans les différents exercices au fil des semaines.


Il s'agit donc d'un enchaînement de plusieurs tâches alternant un travail technique de contrôle-passe (qu'on peut enrichir par de la prise d'information, des circuits de passe variés...) et un travail de préparation (type gammes athlétiques, fente avant, course avant-arrière...) entrecoupé de regroupement pour un travail musculaire spécifique sans matériel (recruter les UM des différents groupes musculaires, préparation articulaire...).

Voici ci-dessous le lien vers l'article sur le site de la fédération où vous trouverez les documents explicatifs et les notices de réalisation.

https://www.fff.fr/article/2032-apprendre-a-bien-s-echauffer.html

Voici la démonstration en vidéo, avec à la baguette, notre maître Fred AUBERT !

https://ffftv.fff.fr/video/6279173566001/echauffement-structure-a-vise-e-pre-ventive-esvp

23 avr. 2022

INTERVIEW D'ALEXANDRE POLIZZI - PREPARATEUR PHYSIQUE à l'académie du Servette FC

Dans mon parcours de formateur j'ai eu le plaisir de rencontrer Alexandre POLIZZI lors de son BEF, dont je vous propose une interview, actuellement préparateur physique au sein de l'académie au Servette FC et également en charge de la préparation athlétique de l'équipe nationale U17 Suisse. Un parcours inspirant d'un passionné et travailleur.

1) Peux-tu te présenter et décrire ton parcours jusque-là ?

Je m’appelle Alexandre Polizzi, j’ai 28 ans. Je suis actuellement préparateur physique à l’académie du Servette FC (Suisse) où j’occupe le poste de responsable de la préparation athlétique avec à ma charge l’équipe M21 (réserve pros). En parallèle, j’occupe le poste de préparateur physique de l’Equipe Suisse M17 masculin.

 

Après un bac Scientifique, je me suis orienté vers la faculté des sports de Lyon où j’ai obtenu ma Licence en Entrainement Sportif. Puis j’ai naturellement continué mon cursus afin d’obtenir un MASTER 2 en Préparation physique, Mentale et Réathlétisation. En parallèle de mes études, j’ai réalisé divers stages : DOMTAC FC en tant qu’éducateur (U9-U13-U15) lors de ma Licence. Puis Servette FC en tant que préparateur physique du centre de formation (M16-18 principalement) lors de ma M1. Et enfin, un stage à l’Olympique Lyonnais lors de mon année de M2 en tant que préparateur physique de l’équipe M15. A la fin de mes études, j’ai eu la chance d’être embauché à l’Olympique Lyonnais où j’ai occupé le poste de préparateur physique U16-17 durant trois saisons. A la suite de cela, j’ai pris la décision de quitter le club pour tenter un nouveau projet au Servette FC depuis maintenant 3 saisons.

2) Lors de ton passage en tant que préparateur physique au centre de formation de l’OL, qu’as-tu retenu, développé, mis en place (en terme de méthode, d’approche, etc…) ?

 

A l’Olympique Lyonnais, le niveau d’exigence est très élevé par la matière première (les joueurs) est d’un très haut niveau. Parfois, les joueurs ont tendance à se reposer sur leurs qualités et à ne pas se rendre compte de l’importance de chacun des paramètres de la performance. C’est pour cela qu’avec Romain Segui, mon responsable à l’époque et préparateur physique des U19, nous avions mis un point d’honneur aux aspects mentaux orientés autour du travail, de l’importance de s’engager, de s’investir chaque jour à l’entrainement, de ne pas vouloir faire plus mais toujours vouloir faire mieux. Nous avions aussi mis en place une philosophie de développement athlétique pour l’académie. Notre objectif était de construire le continuum athlétique de formation du joueur en relation avec : les besoins de chacune des catégories, les spécificités/profils de nos joueurs et surtout en corrélation avec la façon dont le directeur du centre de formation, Jean-François Vulliez, souhaitait que nos équipes jouent. Important de comprendre qu’en fonction de la façon dont nous souhaitons jouer, la préparation athlétique n’est pas la même.

 

En termes de méthodologie, nous fonctionnions sous forme cycle avec des grandes thématiques athlétiques et nous construisions l’ensemble de nos semaines en relation avec le thème (de la prévention à la vivacité de veille de match). La musculation, qui à l’époque n’était pas un élément central à l’OL, avait été réfléchie et pensée en relation avec la maturité. Nous avions décloisonné les groupes U16-17-19 afin de construire des groupes individualisés à la maturité et donc naturellement avec des méthodes de travail différentes.


"La musculation (...) avait été réfléchie et pensée 
en relation avec la maturité"

3) Quelles spécificités fais-tu du travail athlétique chez le jeune joueur en centre de formation ?

 

En formation, il faut savoir construire les profils avec patience ! Un joueur qui est en développement doit avoir un projet individualisé et qui lui permet de se développer à son rythme.

J’ai l’exemple de Castello LUKEBA que j’ai pu avoir en 15, 16 et 17 ans. Nous devions individualiser et adapter certaines parties d’entrainement pour lui car il n’était pas prêt, à l’époque, à supporter les charges d’entrainement de l’équipe. Son corps était en construction. Et quand sa maturité s’est stabilisée, nous avons augmenté les curseurs et ainsi pu lui proposer des charges de travail plus conséquentes.

 

En formation, il est essentiel de comprendre que joueurs et staffs doivent être patients. Certains joueurs veulent faire plus pour se développer plus vite et certains membres de staff veulent des performances à un instant T. Mais l’enjeu de la formation n’est pas là ! Il faut apprendre à évaluer à des instants pour proposer des processus d’entrainement adapté et individualisé afin de construire des étapes, constituant le projet de formation athlétique des joueurs. Quand on est jeune préparateur physique, on a souvent tendance à vouloir mettre en application des exercices, méthodologies de travail, sorties de la science ou de l’université mais il faut apprendre à doser les charges. Cela vient avec l’expérience. En tant que préparateur physique, il faut apprendre à gérer sa frustration de ne pas pouvoir mettre en place tel ou tel exercice car ce n’est pas le bon moment ou le bon contexte tout simplement.



4) Quelles sont les qualités athlétiques nécessaires exigés au haut niveau, pour devenir footballeur professionnel ?

 

Cela serait réducteur de dire que si je possède ou je ne possède pas certaines qualités je ne peux pas y arriver car l’exception existe toujours. En revanche, la réalité du terrain met en évidence que pour performer à haut niveau, les qualités athlétiques sont nécessaires et ceci en relation avec les postes de jeu. Aujourd’hui, la vitesse et la capacité à réaliser et répéter des efforts à haute et très haute intensité semblent être des qualités prépondérantes pour les joueurs extérieurs. L’endurance, le dynamisme et la capacité à changer de direction peuvent être des paramètres associés aux milieux de terrain.

Pour les attaquants et les défenseurs, la vitesse (linéaire et avec angles, les rotations, le timing, l’exécution …), le jeu de corps, et le rapport entre l’utilisation de cette force et vitesse peuvent être considérés comme essentiel. Mais encore une fois, chaque profil est atypique et les sportifs doivent posséder au moins une qualité forte orienté à leur position pour exister à haut niveau.


5) A travers ton expérience actuelle en suisse, au Servette de Genève et aussi en sélection et en sélection jeune U17 SUISSE, vois-tu des différences dans l’approche de la préparation physique au service du footballeur ?

 

Oui la Suisse est un pays riche culturellement car elle mêle approche germaine, française et italienne. Evidemment, le football Allemand est une référence pour une grande partie de la Suisse et cela s’en fait ressentir car les joueurs suisse-allemands ont des profils athlétiques très marqués avec une belle culture du développement physique. Les romands (suisses francophones) ont des qualités intrinsèques intéressantes et sont à un niveau de développement athlétique équivalent à la France. Enfin, les Suisses italophones, ont une culture athlétique intéressante mais avec des moyens qui ne leurs permettent pas toujours de pouvoir se développer de manière optimale.

La partie athlétique est très présente en Suisse car la fédération met en place un suivi très important des joueurs (en sélection mais pas que) et l’individualisation du travail est au cœur du projet dans l’ensemble du pays. Ainsi, les joueurs ont souvent quelques carences athlétiques ou points d’optimisation qui font la nécessité d’un développement athlétique précis.


6) Quelles sont les particularités dans l'approche de la préparation physique avec une sélection nationale jeune ? Comment gères-tu la préparation physique en sélection ?

 

En sélection nationale, mon travail et celui du staff est avant tout d’avoir une gestion très pointue des charges de travail. Grâce aux GPS, aux échanges et à différents questionnaires nous essayons d’individualiser au maximum chaque partie d’entrainement. Notre objectif est clair, les joueurs doivent pouvoir donner le 100% de leurs capacités sur chaque match car les enjeux sont souvent importants.

Mon approche est d’avoir un rééquilibrage des charges en début de camp afin de pouvoir profiter d’un état de forme optimale pour tous. Les joueurs ne se développent pas athlétiquement en sélection mais en club ! Nous accompagnons simplement les joueurs à optimiser leurs performances surtout sur des éléments qu’ils ne peuvent pas toujours être développés en club : nutrition, hydratation, récupération, … A ce niveau, chaque détail compte et les joueurs doivent mettre en application leurs expériences de club au service de leur propre performance. Durant les camps, nous réalisons des rappels de vitesse / force x vitesse en fonction des jours de matchs mais le cœur des stages reste souvent les matchs. Nous ne réalisons que très peu de camps sans avoir de match. Ainsi, on contrôle les charges pour que chaque joueur réalise une performance alors que parfois en club, le développement en semaine est tellement primordial que le match devient secondaire.

Une chose est sure, les matchs internationaux obligent les joueurs à puiser dans l’ensemble de leurs ressources, l’approche mentale est très importante… car le stress, les enjeux, et le fait de défendre son pays sont des éléments impactant l’aspect mental.



7) Quel part accordes-tu au travail de la vitesse dans un microcycle de compétition (entre 2 matchs) ? Comment l’organises-tu ?

 

La vitesse est une qualité centrale en football. Mais une nouvelle fois, elle doit être individualisée en fonction des caractéristiques des joueurs. Penser que faire de la vitesse permet de transformer un joueur est une erreur. Car le développement de la vitesse passe aussi par un nombre important de paramètre : la force, la coordination, le gainage, … Donc en réalité, chaque jour on travaille la vitesse. De manière plus spécifique, nous avons une séance de développement de vitesse ou force vitesse. Principalement le mercredi lors de nos séances avec jeu grand espace. L’entrée de séance est souvent une partie vitesse que l’on tente d’intégrer dans des situations directement après.

On travaille le mardi sur les composantes de la vitesse (pliométrie, force, travail de pieds, …) et on va chercher des valeurs à très hautes intensités (>25km/h) le mercredi de façon associée ou intégrée à des schémas tactiques et donc à des postes. On travaille sur l’uniformité entre les joueurs le mardi et sur l’individualisation aux postes, aux caractéristiques du joueur le mercredi et ceci en lien avec notre projet de jeu.


"le développement de la vitesse passe aussi par un nombre important de paramètres : la force, la coordination, le gainage..."



8) Comment t'organises-tu pour le suivi de la charge d'entraînement ? Quelles méthodes utilises-tu ?

Nous appliquons le principe de double charge entre mardi et mercredi. Même si les modèles de planifications sont différents entre les catégories (linéaire pour les plus jeunes et ondulatoires pour les plus âgés) le principes de double charges s’applique. Notre structure de semaine est la suivante :

Lundi : Prévention BC + sollicitation muscu HC

Mardi : Développement des composantes de la qualité recherchée + Force BC

Mercredi : Développement individualisé de la qualité recherchée + Force HC

Jeudi : Jour de décharge – Travail de mobilité de hanche + récupération +++

Vendredi : Explosivité BC / vivacité

 

Nous utilisons les GPS pour calibrer les données objectives, les questionnaires pré et post séance pour les données subjectives. 


9) La prévention des blessures est un élément central de la PA, que mets-tu en place à ce niveau-là ? quelles sont tes préconisations ?

Nous avons tous les jours des éléments de prévention. Les joueurs sont convoqués 30 min avant chaque séance et réalisent un travail de prévention de 15 à 20 min avant l’entrainement sous différentes formes :

- renforcement musculaire (travail sous différents régimes de contractions)

- musculation HC ou BC

- activation type vélo / corde à sauter

- Core training

- travail de pieds/genoux type : proprioception / Bosu / Appuis / Corde à sauter

- travail de hanche : routine de mobilité

- travail spécifique d’épaules pour les GK

 

Organisation dans la semaine :

Lundi : renfo musculaire généralisé

Mardi : Activation pieds / genoux + musculation

Mercredi : Activation cardio + routine individualisée

Jeudi : travail de mobilité – hanches + épaules

Vendredi : activation nerveuse type explo + mini bandes

 

En fil rouge, nous avons le core training avec des routines individuelles.

 

Au total, 3 types de préventions :

- prévention généralisée avant la blessure

- prévention individualisée avant la blessure (travail sur des alertes)

- prévention individualisée post blessure

 

Mais ce qui est important c’est la capacité du staff technique et médical à COMMUNIQUER – ADAPTER – INDIVIDUALISER chaque partie d’entrainement.