Je m’appelle Alexandre Polizzi, j’ai 28 ans. Je suis actuellement préparateur physique à l’académie du Servette FC (Suisse) où j’occupe le poste de responsable de la préparation athlétique avec à ma charge l’équipe M21 (réserve pros). En parallèle, j’occupe le poste de préparateur physique de l’Equipe Suisse M17 masculin.
Après un bac Scientifique, je me suis orienté vers la faculté des sports de Lyon où j’ai obtenu ma Licence en Entrainement Sportif. Puis j’ai naturellement continué mon cursus afin d’obtenir un MASTER 2 en Préparation physique, Mentale et Réathlétisation. En parallèle de mes études, j’ai réalisé divers stages : DOMTAC FC en tant qu’éducateur (U9-U13-U15) lors de ma Licence. Puis Servette FC en tant que préparateur physique du centre de formation (M16-18 principalement) lors de ma M1. Et enfin, un stage à l’Olympique Lyonnais lors de mon année de M2 en tant que préparateur physique de l’équipe M15. A la fin de mes études, j’ai eu la chance d’être embauché à l’Olympique Lyonnais où j’ai occupé le poste de préparateur physique U16-17 durant trois saisons. A la suite de cela, j’ai pris la décision de quitter le club pour tenter un nouveau projet au Servette FC depuis maintenant 3 saisons.
2) Lors de ton passage en tant que
préparateur physique au centre de formation de l’OL, qu’as-tu retenu,
développé, mis en place (en terme de méthode, d’approche, etc…) ?
En termes de méthodologie, nous fonctionnions sous forme cycle avec des grandes thématiques athlétiques et nous construisions l’ensemble de nos semaines en relation avec le thème (de la prévention à la vivacité de veille de match). La musculation, qui à l’époque n’était pas un élément central à l’OL, avait été réfléchie et pensée en relation avec la maturité. Nous avions décloisonné les groupes U16-17-19 afin de construire des groupes individualisés à la maturité et donc naturellement avec des méthodes de travail différentes.
3) Quelles spécificités fais-tu du
travail athlétique chez le jeune joueur en centre de formation ?
En formation, il faut savoir
construire les profils avec patience ! Un joueur qui est en développement
doit avoir un projet individualisé et qui lui permet de se développer à son
rythme.
J’ai l’exemple de Castello LUKEBA que
j’ai pu avoir en 15, 16 et 17 ans. Nous devions individualiser et adapter
certaines parties d’entrainement pour lui car il n’était pas prêt, à l’époque,
à supporter les charges d’entrainement de l’équipe. Son corps était en
construction. Et quand sa maturité s’est stabilisée, nous avons augmenté les
curseurs et ainsi pu lui proposer des charges de travail plus conséquentes.
En formation, il est essentiel de comprendre que joueurs et staffs doivent être patients. Certains joueurs veulent faire plus pour se développer plus vite et certains membres de staff veulent des performances à un instant T. Mais l’enjeu de la formation n’est pas là ! Il faut apprendre à évaluer à des instants pour proposer des processus d’entrainement adapté et individualisé afin de construire des étapes, constituant le projet de formation athlétique des joueurs. Quand on est jeune préparateur physique, on a souvent tendance à vouloir mettre en application des exercices, méthodologies de travail, sorties de la science ou de l’université mais il faut apprendre à doser les charges. Cela vient avec l’expérience. En tant que préparateur physique, il faut apprendre à gérer sa frustration de ne pas pouvoir mettre en place tel ou tel exercice car ce n’est pas le bon moment ou le bon contexte tout simplement.
4) Quelles sont les qualités
athlétiques nécessaires exigés au haut niveau, pour devenir footballeur professionnel
?
Cela serait réducteur de dire que si je possède ou je ne possède pas certaines qualités je ne peux pas y arriver car l’exception existe toujours. En revanche, la réalité du terrain met en évidence que pour performer à haut niveau, les qualités athlétiques sont nécessaires et ceci en relation avec les postes de jeu. Aujourd’hui, la vitesse et la capacité à réaliser et répéter des efforts à haute et très haute intensité semblent être des qualités prépondérantes pour les joueurs extérieurs. L’endurance, le dynamisme et la capacité à changer de direction peuvent être des paramètres associés aux milieux de terrain.
Pour les attaquants et les défenseurs, la vitesse (linéaire et avec angles, les rotations, le timing, l’exécution …), le jeu de corps, et le rapport entre l’utilisation de cette force et vitesse peuvent être considérés comme essentiel. Mais encore une fois, chaque profil est atypique et les sportifs doivent posséder au moins une qualité forte orienté à leur position pour exister à haut niveau.
5) A travers ton expérience actuelle
en suisse, au Servette de Genève et aussi en sélection et en sélection jeune
U17 SUISSE, vois-tu des différences dans l’approche de la préparation
physique au service du footballeur ?
La partie athlétique est très présente
en Suisse car la fédération met en place un suivi très important des joueurs
(en sélection mais pas que) et l’individualisation du travail est au cœur du
projet dans l’ensemble du pays. Ainsi, les joueurs ont souvent quelques
carences athlétiques ou points d’optimisation qui font la nécessité d’un
développement athlétique précis.
6) Quelles sont les particularités dans l'approche de la préparation physique avec une sélection nationale jeune ? Comment gères-tu la préparation physique en sélection ?
En sélection
nationale, mon travail et celui du staff est avant tout d’avoir une gestion
très pointue des charges de travail. Grâce aux GPS, aux échanges et à
différents questionnaires nous essayons d’individualiser au maximum chaque
partie d’entrainement. Notre objectif est clair, les joueurs doivent pouvoir
donner le 100% de leurs capacités sur chaque match car les enjeux sont souvent
importants.
Mon approche est
d’avoir un rééquilibrage des charges en début de camp afin de pouvoir profiter
d’un état de forme optimale pour tous. Les joueurs ne se développent pas
athlétiquement en sélection mais en club ! Nous accompagnons simplement
les joueurs à optimiser leurs performances surtout sur des éléments qu’ils ne
peuvent pas toujours être développés en club : nutrition, hydratation,
récupération, … A ce niveau, chaque détail compte et les joueurs doivent mettre
en application leurs expériences de club au service de leur propre performance.
Durant les camps, nous réalisons des rappels de vitesse / force x vitesse en
fonction des jours de matchs mais le cœur des stages reste souvent les matchs.
Nous ne réalisons que très peu de camps sans avoir de match. Ainsi, on contrôle
les charges pour que chaque joueur réalise une performance alors que parfois
en club, le développement en semaine est tellement primordial que le match
devient secondaire.
Une chose est sure, les matchs internationaux obligent les joueurs à puiser dans l’ensemble de leurs ressources, l’approche mentale est très importante… car le stress, les enjeux, et le fait de défendre son pays sont des éléments impactant l’aspect mental.
7) Quel part accordes-tu au travail de la vitesse dans un microcycle de compétition (entre 2 matchs) ? Comment l’organises-tu ?
La vitesse est une qualité centrale
en football. Mais une nouvelle fois, elle doit être individualisée en fonction
des caractéristiques des joueurs. Penser que faire de la vitesse permet de
transformer un joueur est une erreur. Car le développement de la vitesse passe
aussi par un nombre important de paramètre : la force, la coordination, le
gainage, … Donc en réalité, chaque jour on travaille la vitesse. De manière
plus spécifique, nous avons une séance de développement de vitesse ou force
vitesse. Principalement le mercredi lors de nos séances avec jeu grand espace.
L’entrée de séance est souvent une partie vitesse que l’on tente d’intégrer
dans des situations directement après.
On travaille le mardi sur les
composantes de la vitesse (pliométrie, force, travail de pieds, …) et on va
chercher des valeurs à très hautes intensités (>25km/h) le mercredi de façon
associée ou intégrée à des schémas tactiques et donc à des postes. On travaille
sur l’uniformité entre les joueurs le mardi et sur l’individualisation aux
postes, aux caractéristiques du joueur le mercredi et ceci en lien avec notre
projet de jeu.
"le développement de la vitesse passe aussi par un nombre important de paramètres : la force, la coordination, le gainage..."
8) Comment t'organises-tu pour le
suivi de la charge d'entraînement ? Quelles méthodes utilises-tu ?
Nous appliquons le principe de double charge entre mardi et mercredi. Même si les modèles de planifications sont différents entre les catégories (linéaire pour les plus jeunes et ondulatoires pour les plus âgés) le principes de double charges s’applique. Notre structure de semaine est la suivante :
Lundi : Prévention BC +
sollicitation muscu HC
Mardi : Développement des
composantes de la qualité recherchée + Force BC
Mercredi : Développement
individualisé de la qualité recherchée + Force HC
Jeudi : Jour de décharge –
Travail de mobilité de hanche + récupération +++
Vendredi : Explosivité BC /
vivacité
Nous utilisons les GPS pour calibrer les données objectives, les questionnaires pré et post séance pour les données subjectives.
9) La prévention des blessures est un élément central de la PA, que mets-tu en place à ce niveau-là ? quelles sont tes préconisations ?
Nous avons tous les jours des
éléments de prévention. Les joueurs sont convoqués 30 min avant chaque séance
et réalisent un travail de prévention de 15 à 20 min avant l’entrainement sous
différentes formes :
- renforcement musculaire (travail sous différents régimes de contractions)
- musculation HC ou BC
- activation type vélo / corde à
sauter
- Core training
- travail de pieds/genoux
type : proprioception / Bosu / Appuis / Corde à sauter
- travail de hanche : routine
de mobilité
- travail spécifique d’épaules pour
les GK
Organisation dans la semaine :
Lundi : renfo musculaire généralisé
Mardi : Activation pieds /
genoux + musculation
Mercredi : Activation cardio +
routine individualisée
Jeudi : travail de mobilité –
hanches + épaules
Vendredi : activation nerveuse
type explo + mini bandes
En fil rouge, nous avons le core
training avec des routines individuelles.
Au total, 3 types de
préventions :
- prévention généralisée avant la
blessure
- prévention individualisée avant
la blessure (travail sur des alertes)
- prévention individualisée post
blessure
Mais ce qui est important c’est la
capacité du staff technique et médical à COMMUNIQUER – ADAPTER – INDIVIDUALISER chaque
partie d’entrainement.